Au début, j’étais celle qui voyageait entre les villages de la côte d’Hudson pour ramener les patients vers l’hôpital de Puvirnituq. Parfois seule, parfois avec une collègue infirmière, parfois avec un médecin, parfois les deux, d’autres fois avec une sage-femme. Ma courte expérience d’infirmière de médévac m’a appris beaucoup de choses. Pour faire référence à ma première chronique… j’ai appris que le mal de l’air… ça se guérit ! Plus sérieusement, j’ai aussi appris que vaut mieux être vraiment TROP préparé que pas assez (c’est-à-dire, penser au pire du pire du pire qui pourrait arriver, pour avoir tout à bord… juste au cas) ! J’ai transféré des cas stables, des gens suicidaires contentionnés, des bébés avec des difficultés respiratoires… assez sévères pour comprendre ce que je disais plus haut. Toujours se préparer au pire du pire ! J’ai aussi été chercher des traumas par balles, été intuber des patients dans d’autres villages… On voit de tout en médévac. C’est enrichissant… et ÇA, ça te sort de ta zone de confort sur un moyen temps !
Depuis que je suis en CLSC, loin des labos, de la radiologie, et des grosses équipes de soins… je vis maintenant un autre aspect de mon travail qui elle aussi ne donne pas place au confort : attendre cette infirmière dans ce foutu avion ! Dépendant dans quel village tu te trouves, l’attente peut être plus longue…. (j’ai une pensée spéciale ici pour mes collègues dans les autres villages qui vivent parfois des délais vraiment pires que ceux d’Inukjuak) ! Principale cause de retard: Dame nature : les plafonds bas, les cross-winds, les blizzards, le brouillard, etc ! Les délais météo, je m’y connais ! Et je ne sais pas trop pourquoi… les délais météo… C’EST QUASI TOUJOURS LA NUIT !!
Pour avoir eu plusieurs nuits blanches avec des patients plus stables ou très instables… j’ai toute sorte de sentiments et de mots qui me viennent en tête quand je me remémore ces dizaines de nuits !
Tantôt avec une bronchiolite de quelques mois qui oscillait les décisions médicales entre les bénéfices et les inconvénients d’être intubé et de devoir être ventilé manuellement en village versus attendre de voir s’il s’améliorerait un peu pour éviter les complications possibles de l’intervention !
Tantôt avec une dame MPOC qui n’avait comme seule raison de transfert, un besoin en oxygène (c’est-à-dire : une nuit «tttrrrèèèessss» longue où je ne faisais que rêver les yeux ouverts, d’un bon café) !
Tantôt avec une femme enceinte de moins de 32 semaines en travail (ça… c’est la PIRE chose pour moi) !
Je ne commenterai même pas la fois où j’avais une patiente polytraumatisée, mais plutôt stable… Et qu’on devait RECULER l’heure sur ma garde !!!
La liste est longue… et sûrement à la fois différente et similaire pour bien d’autres nurses !
Ses nuits m’ont épuisé (et peut-être même fait vieillir), mais elles m’ont aussi apprise à lâcher-prise dans des conditions ou j’avais peu de ressource… et surtout aucun contrôle.
Elles m’ont appris ce qu’était l’isolement du Nord… elles m’ont appris que le café, c’est bon n’importe quand, elles m’ont appris de toujours avoir une cachette secrète de nourriture dans ma salle d’examen… et elles m’ont apprise que le pire de l’attente… ce n’est pas pour moi… mais pour la personne couchée sur cette civière !