Chronique #13: Être résilié

C’est le lendemain d’un événement tragique à Inukjuak. Le drapeau sera en berne aujourd’hui. Dans les prochains jours, les larmes couleront sur leurs joues comme la pluie sur le gravier des rues du village. Puis la résilience se fera un chemin au travers de la colère, la peine et l’incompréhension. Cette résilience gagnera … Parce qu’elle fait partie d’eux, elle coule dans leurs veines. Une fois que les cris de douleur seront épuisés et que les derniers adieux seront faits, la vie reprendra de son cours. Jusqu’au prochain événement tragique. Jusqu’à ce que ces souvenirs qui s’empilent comme des sardines dans des petits cœurs déjà trop souvent cicatrisés se fassent réveiller. Ils n’oublieront pas… Jamais! Comment survivre à tant de perte si la résilience n’est pas? Comment accepter ces injustices qui frappent et frappent trop souvent ? Et si le temps passe, et que rien ne s’efface ?

Tous les Inuits ont fait face aux deuils…. a plusieurs deuils, trop. Ils ont perdu un bébé, leurs ados, leurs parents, leurs amis. Dans des circonstances souvent évitables, parfois tirées de films d’horreur, et tellement moins souvent pas les événements naturels, mais tout autant injustes de la vie.

On se sent souvent spectateur de ça…impuissant complètement.

Au prochain 31 décembre, comme à chaque 31 décembre, la communauté se réunira pour fêter l’arrivée du Nouvel An. La « shake hands » annuel. La soirée sera joyeuse et sereine. Avant le coup de minuit, avant de laisser place à la nouvelle année, ils pleureront ensemble tous les gens qui ont rendu l’âme cette année; liste trop longue et trop jeune. Un dernier au revoir sincère, une façon de fermer la cicatrice de cette souffrance.

Encore une fois spectateur de cette souffrance, on leur serrera la main avec sincérité et empathie. Et ils démarreront le Nouvel An en espérant être un peu plus épargnés que la précédente, en se disant qu’ils se réuniront un jour, tôt ou tard.