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Laurie-Eve Langlois
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Chroniques d’une infirmière nordique

Les oreilles me sillent trop souvent. Je deviens agressive. Je sens qu’on s’en prend à ma famille. J’ai l’impression de me glisser dans le rôle de la grande frustrée du Nord, ou la petite blasée du Sud. C’est que l’ignorance entraîne le jugement. Ce jugement je le hais.

« Je suis infirmière dans une communauté inuite au Nunavik. »

« Tu travailles avec les Esquimaux ? Ça doit être payant… »

« … »

« Ils « sniffent » tu encore du gaz ? »

Cet échange empreint d’ignorance fait disjoncter mon non verbal. Je prends sur moi. Profitons du momentum pour faire un cours 101 sur nos voisins en évitant même de frôler leur côté noir. Parce qu’au fond, quand je parle de ma mère, ma meilleure amie, mon amoureux et tous les gens que j’aime… j’essaie d’oublier leur côté sombre. En tant qu’humain, que société, on a un côté sombre qu’on n’est pas nécessairement obligé de mettre à l’avant-plan à la première date. C’est ce que les Inuits ont fait pour me charmer.

Alors, à toi (pas toi lecteur), mais toi qui croit que ce peuple se définit par du « sniffage » de gaz… je ne serai pas de celles qui prétendent vivre dans une société parfaite où tous les maux n’existent pas. Je ne vais pas mentir, mais je te parlerai de l’infime partie de la beauté de ce peuple que je connais… Et quand tu laisseras tomber tous les jugements qui te hantent, on pourra peut-être discuter du grand mal qui habite là où la route s’arrête.

C’est ce qui me vient en tête lorsque je me bute à ce genre de propos.

Ce sentiment d’urgence de défendre ceux qui m’ont ouvert les bras, il y a près de trois ans… ils m’habitent et me dérangent. J’aimerais qu’on leur accorde le droit de parole, plutôt que de parler d’eux. Ils ont tellement à nous raconter. Chaque échange que j’ai eu avec un d’entre eux m’a fait grandir et fait comprendre à chaque fois qu’ils me changeaient plus que je ne peux changer quoi que ce soit là-bas.

Rien à voir avec les prendre en pitié. Plutôt les prendre pour ce qu’ils sont vraiment, simplement. Dans les dernières années, nous avons été Nice, Berlin, Paris. C’est beau cette solidarité. Pourquoi cette difficulté à être solidaire de nos voisins ?

Loin de l’idée de s’aveugler devant les drames du Nord… parce qu’ils sont plus que réels et ils m’ont parfois glacé le sang. Sauf qu’à se perdre dans tous ses drames, à être ignorant de leur beauté, à vouloir imposer une structure qui se heurte à leurs valeurs culturelles et à croire que ce peuple se définit par leur fragilité… beaucoup de gens se priveront de la richesse de ces communautés. C’est triste. Très.

Quand ce petit patient m’envoie des bisous soufflés à la sortie de mon bureau à chaque visite, quand cette maman me prend dans ses bras à l’aéroport à mon retour…

Quand je suis témoin de leur résilience et de leur honnêteté…

Quand je vois l’entraide communautaire et la confiance qu’ils m’accordent…

Quand je vois tout ça…

Je n’oublie pas les drames et le côté sombre, mais je trouve que ça miroite parfaitement ce qu’est une société, ce que nous sommes comme être humain, avec nos drames et notre beauté.

4 comments on “Chronique #20 : Plus que des sniffeux de gaz

  1. Johanne Asselin dit :

    Tellement à apprendre à propos des gens du Nord,merci de nous montrer le bon côté de cette communauté,bravo pour ton texte

    Aimé par 1 personne

  2. daniel beauvais dit :

    Je suis bien heureux de constater que vous avez l’ouverture d’esprit nécessaire pour œuvrer dans un milieu pas toujours facile, même en 2017; dans le fond, je devrais plutôt écrire: …pas toujours facile, SURTOUT, en 2017! Je sais que les choses ont beaucoup changé depuis que j’ai eu le plaisir d’y travailler; je sais aussi que ce n,est pas la vie facile.
    Bonne continuité!
    Daniel Beauvais
    auteur de Mémoires de glace 🙂

    Aimé par 1 personne

  3. Guylaine dit :

    Super tes chroniques! Instructives, très plaisantes et surtout véridiques ! J’aime ton petit côté comique! J’attends la prochaine!

    Aimé par 1 personne

  4. Danica Dragon Jacimovic dit :

    Je les suis tes chroniques ! Tu pensais pas hein! 😉 C’est parce qu’elles sont bonnes!
    😉 Je suis en Inde présentement et fait beaucoup de parallèle entre ces deux cultures , archi résiliante dans leur misère et mal interpréter par l’étranger .
    Bravo pour ton blogue. 🙂

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