Il y a parfois des paroles qui nous marquent plus que d’autres. Celles qui nous rentrent dans la caboche, qui portent à la réflexion, qui mijotent en nous.
Il a dit : « N’essayez pas de changer le système, mais assurer vous que le système ne vous change pas ».
Ce système. Notre système. Celui qui attire la critique des gens d’opinion, des patients mal soignés, des politiciens et des travailleurs. Tous, avec la voix enrouée, fatiguée et aigrie par la déception et l’insatisfaction. Ce système et sa structure trop rigide qui tente si bien que mal de devenir flexible. Une flexibilité qui semble être du domaine de l’impossible. Ces normes, ces « guidelines », ces protocoles, cette rapidité d’exécution obligée par la lenteur des changements. Ces changements que l’on promet haut et fort, mais dont on ne voit jamais une parcelle de sa lumière.
Notre système de santé.
J’ai les deux pieds dedans. J’ai choisi ce métier d’infirmière. Il vient avec le système, que je sois d’accord avec ce qu’il impose ou pas. À vouloir changer ce système, j’ai vu des collègues s’épuiser, des chicanes exploser, des gens très très cerner, d’autres quitter le domaine de la santé. Malheureusement, j’ai aussi vu des patients subir la défaite de ces longues revendications qui ont terminé en queue de poisson. Ce système a fait baisser les épaules à trop de gens qui étaient là pour changer les choses. Pourtant, le désire profond d’exercer dans le milieu de la santé débute essentiellement par un besoin d’altruisme, de générosité, d’empathie et de défi.
Continuons de vouloir changer ce système… parce qu’il serait tellement dommage qu’on baisse les bras après tant de cris du cœur.
« …, mais assurer vous que le système ne vous change pas! »
C’est plutôt cette partie qui m’a tendu la réflexion.
Je ne veux pas que ce système me change. Je ne veux pas qu’il vous change. Je veux que nos oreilles restent attentives, que nos paroles restent douces, que nos interventions soient posées dans l’intérêt du patient. Je n’ai pas envie que le temps, l’argent et le rendement dictent nos soins.
Les patients doivent pouvoir compter sur les gens qui travaillent dans ce système, et non pas sur le système qui fait travailler ces gens.
J’ai une pensée complètement utopique, mais je me suis senti concerné. Parce que j’ai peur aussi que ce système me surutilise, m’abuse, me « bardasse » les valeurs et me fasse oublier les raisons qui m’ont mené dedans.
Les patients font aussi partie du système. Alors je leur demande de ne pas mettre les échecs du système sur nos épaules. Je leur demande l’indulgence. De mesurer le poids de leurs paroles. Elles font aussi partie de ces cernes sur le visage de votre infirmière. Et parce que ces infirmières sont avant tout humaines : elles se souviendront bien des marques de reconnaissance, mais seront marquées par ces remarques blessantes.
Merci à Luc Vigneault, conférencier et père-aidant de m’avoir mené à la réflexion.
Avec les articles qui ont été publiés la semaine dernière concernant la violence dans les hôpitaux, ce texte inspirant est matière à une lettre ouverte.
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Bravo,très bien dit Laurie-eve et reflète bien la réalité
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Salut Laurie,
Content de lire ce texte dans LaPresse+!
Un Fan
(Gab)
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