La Presse a publié un article le 14 septembre dernier. Il concernait la réévaluation du « rôle » de la Sénatrice Lynn Beyak suite au propos qu’elle a tenu au printemps dernier en lien avec sa prise de position sur le statut des Premières Nations dans notre pays. Elle affirmait entre autres que «Les personnes qui ont joué jadis un rôle dans les pensionnats indiens, dont certaines sont peut-être même vos ancêtres, avaient surtout de bonnes intentions, et nous devrions pardonner à celles pour qui ce n’était pas le cas». Elle demandait aux Premières Nations : «Personne ne s’en va, alors cessons la culpabilisation et les blâmes, et trouvons une façon de cohabiter et de partager. Échangez votre certificat de statut (indien) contre la citoyenneté canadienne (…) et allons de l’avant comme les leaders le font déjà à Ottawa».
Voici ce que j’aurais eu envie de répondre au propos de Mme. Lynn Beyak.
Sénatrice, vous me donnez la chair de poule !
Je vous imagine prononcer ces mots que j’ose à peine lire avec mes deux yeux tellement ils heurtent mes valeurs québécoises. Ça me chavire. Ce que vous avez dit me chavire. Le fait que ces paroles reflètent votre pensée me chavire. Ces paroles proviennent de la bouche de quelqu’un qui est censé « faire entendre le point de vue des minorités au Parlement, grâce à la sagesse que lui procure son expérience personnelle » si l’on en croit la définition du Sénat du Canada. Les propos que vous tenez, je les ai déjà entendus. Ils ont heurté mes oreilles trop souvent. Ils ont été prononcés par des gens qui tenaient un discours influencé par leur ignorance. Gens à qui il était facile pour moi de répondre qu’il serait bon pour leur intérêt personnel et celui de notre société d’aller en apprendre un peu plus sur les Premières Nations, leur histoire, leurs valeurs avant d’émettre une opinion injuste et remplie de jugement. Vous Madame Lynn Beyak, vous avez une tribune. Cette tribune a beaucoup plus d’importance et de place que celle du citoyen moyen qui peut partager son opinion parfois teintée d’ignorance et souvent bourrée de manque de connaissance sur les réseaux sociaux. Votre tribune est aussi à des années-lumière plus accessible que celle des gens des communautés culturelles inuits ou autochtones qui voudraient bien se faire entendre sur le sujet. Vous demandez à un peuple qui est en constante quête identitaire et qui vit dans un « clash » générationnel depuis des années de se départir de ses racines et d’une partie de ce qui le défini. Vous dites aux jeunes Inuits qui sont perdus entre la chaleureuse toundra et la froideur de Facebook de ne faire qu’un avec ceux qui ont brisé l’identité de leurs parents et grands-parents. Ces gens qui ont été à une certaine époque, un simple numéro aux yeux du gouvernement dans « vos pensionnats sans mauvaises intentions », vous leur demandé de se camoufler dans le reste de la société pour ne pas dépeindre le beau portrait homogène de bon Canadien.
Ne pouvons-nous pas cohabiter, nous entraider, être solidaires, nous aimer, nous respecter, saluer le beau de cette culture ? Ne pouvons-nous pas faire partie de la même société en étant capables de reconnaître nos différences de façon mutuelle tout en reconnaissant les erreurs du passé sans nécessairement les ruminer. Ne pouvons-nous pas aller de l’avant sans brimer cette belle culture qui leur ai propre, mais qui devrait aussi être une fierté dans notre pays ?
Tous les jours, des petites victoires prennent naissance dans les différentes communautés des Premières Nations. Ça arrive parce qu’avec un minimum de naïveté et un maximum d’humanisme et de solidarité, le désir d’aider rencontre une volonté de fer et le rêve ancré d’accéder à un futur meilleur. Si par malheur, la réalité s’inspire de vos dires, ce rêve sera poussière, cette belle culture se fondera dans un titre de citoyen canadien, et on fera tout sauf « aller de l’avant », pour rapporter vos propos.