C’est une relation amour-haine avec le gentil Blanc et le méchant Blanc qui tapisse parfois le climat au-delà le 55e parallèle. La plupart de nous étant venu ici pour aider à améliorer les choses en plantant des petites graines de support et de solidarité ici et là, sans pour autant s’enfler la tête qu’on change littéralement les choses. La plupart de nous se sentant tantôt comme des invités, puis après quelques années, comme si notre place se faisait tranquillement. N’empêche que le gentil Blanc traîne le méchant Blanc malgré lui, comme un collier électrique. Mon angoisse, mon désarroi. Blancs et Inuits, devons-nous et pouvons-nous vraiment bâtir quelque chose de bon et de beau sur cette relation amour-haine ? Est-ce que la base du changement manquera de solidité si on continue d’empiler sur le mal du passé ? C’est ma crainte qui fricote ici et là avec l’espoir et le souhait profond de les voir voler de leurs propres ailes. La culture inuite m’a appris la résilience, la patience, le partage et le lâcher-prise. La toundra m’a montré l’immensité et m’a fait sortir du nombrilisme des grandes villes. Tu m’en as fait du bien Nunavik, mais quand tu me ramènes et me prend pour le méchant Blanc, la décharge est douloureuse et me fait douter.
Deux évènements.
Juin 2018, Kuujjuaq – Le meurtre d’une jeune Qallunaat a alimenté certaines conversations au sein des travailleurs venus du Sud. Certains se sont brûler les lèvres en parlant d’un geste racial, d’autres ont parlé d’un événement isolé, d’autres ont blâmé la sécurité offerte aux blancs dans les villages nordiques, d’autres ont parlé de la pointe de l’iceberg d’un tas d’événements balayé sous la loi du silence puis d’autres accordent peu d’attention à cet événement, en justifiant que peu d’attention est accordée aux autres tragédies du Nord touchant les Inuits. Je suis pas mal chacun de ceux-là.
Septembre 2018, Kuujjuaq – Le feu de l’établissement de la DPJ. Même discussion. Un lien entre les deux ? Commencer à lier ces évènements, c’est aussi augmenter le climat de peur et d’hypervigilence. En même temps, à la lecture des dires de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik (RRSSSN) dans La Presse affirmant « on réfléchit à la possibilité d’augmenter les mesures de sécurités », ça me fait croire qu’on se moque bien de nous. Comme si ça faisait partie intégrante de notre travail que de développer cette hypervigilence par manque de sécurité au fil des évènements qui se succèdent. S’il vous plaît grands décideurs de ce petit monde, ça suffit la réflexion, il faut passer à l’action. C’est de favoriser des relations saines entre la population inuite et les Blancs, que d’offrir un climat sécuritaire à tous. Soigner dans la peur, c’est mal soigner. Accuser une population pour les débordements des récalcitrants, c’est tranquillement balayer les plus beaux apprentissages que l’on peut faire. C’est ce qui s’installe tranquillement et même moi grande défenseure de nos voisins du Nord, parfois je ne comprends plus le contenu de mes pensées.
Le gentil Blanc en moi craint que le méchant Blanc soit dans la mire. J’essaie te taire ce sentiment en regardant d’un œil missionnaire tout le merveilleux des échanges positifs et sincères que j’ai avec les Inuits, tous les incomparables moments où j’ai le privilège de voir un peu d’autodétermination faire son bout de chemin et toutes les fois où j’ai pris paroles pour défendre cette communauté qui n’a pas droit à la même tribune. N’en demeure pas moins que gentil ou méchant, le Blanc en moi sent parfois que le chemin parcouru jusqu’ici n’a pas été suffisant pour se souder à nos voisins du Nord. Je me demande si la route sinueuse qui nous attend, dans un cadre de politique beaucoup trop imparfait et d’aucune souplesse, est vraiment quelque chose qu’on pourra traverser sainement dans l’intérêt de tous.